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La vie redevient possible * Alice Girard, lycéenne qui avait alors 16 ans

J’avance difficilement. Chaque jour, un pas. Certains plus difficiles, d’autres hésitants, voire dans une direction opposée. Le chemin est long. Trop long. Les sensations ressenties sont dévastatrices et insupportables. Le sol sur lequel je marche, qui auparavant était recouvert d’herbe douce et fraîchement tondue, laisse place a du charbon brûlant et pointu. Mon pied souffre en silence, à l’abri des regards et pour seule amie, mon âme meurtrie pour le consoler. Je souffre de voir l’étau qui se resserre tout autour de moi m’empêchant de respirer. Je souffre de voir mon pied qui ne sait où se mettre pour ne pas déranger. Je souffre de voir que je suis seule et que personne ne peut m’aider. Si je partais, les autres le verraient-ils ? Et si je mettais un terme à ces douleurs qui me torturent le corps et l’esprit, serais-je enfin tranquille ? Mon âme, mourante, allait forcément prendre le dessus. Et puis je la vis. Cette oasis en plein désert. Une main tendue qui s’avance vers moi. Je n’ai d’autres choix que de l’accepter. J’y découvre un havre de paix, un endroit où l’on me comprend et l’on ne me juge pas. Je sais que le chemin sera encore plus dur, mais j’y vois la lumière blanche qui mène à la liberté, à l’apaisement. On prend soin de moi, on m’écoute et on m’aide. L’envie de disparaître de ce monde devient de moins en moins pesante, je remarque même des sourires discrets qui se dessinent au coin de mon visage.

Je sens, de jour en jour, que mon pied s’apaise : le charbon d’autrefois ne brûle plus autant, les chocs électriques que je ressentais deviennent des chatouilles. Corps et âme se relâchent et laissent apparaître la joie et le bonheur que j’avais perdus. Ce texte décrit ma thérapie au centre de rééducation sensitive. J’ai vécu pendant deux ans un calvaire avec une allodynie mécanique. Ce sont ces clinicien·ne·s qui ont pu m’aider et comprendre ce que j’avais. J’ai récupéré de la force, de la motivation et du courage pour affronter tout cela. Une des choses dont je suis la plus reconnaissante est qu’en plus d’avoir libéré mon pied de ce fardeau, ils ont libéré ma tête. Ce centre apporte plus qu’une thérapie médicale, il apporte une nouvelle vie.

Alice Girard, lycéenne qui avait alors 16 ans

La synthèse
https://neuropain.ch/sites/default/files/e-news/somatosens_pain_rehab_2021_18_2.pdf#page=24

Nous avons en préparation un article de 86 autres SDRC de Budapest du pied dont nous avons pu enlever l'allodynie.

Avec cette histoire, vous êtes au coeur de l'essence de la méthode de rééducation sensitive de la douleur

Note: cet article a été ensuite publié auf Deutsch Schmerzhafte Stimmung Nr. 12 - Somatosens Pain Rehab 18(3) - and in English Painful atmosphere Nb 13 - Somatosens Pain Rehab 18(4) -

Réponses

  • Chère Alice,

    Tes tisons nous brûlent, ton silence interpelle, ton isolement nous meurtrit. Pied de feu et âme à l'agonie, enchevêtrés dans une danse macabre.

    Mais tes yeux embués ont aperçu ce trois fois rien, ce petit quelque chose qui transperçait le brouillard, au loin. Tu as marché jusqu'à ces braises qui réchauffaient sans brûler. Est-ce à ce moment-là que ta vie est redevenue possible à imaginer, envisager, rêver, colorer, redessiner, dire, respirer, embrasser, habiter, ressentir, aimer?

    Au-delà du calvaire, admirable est ton courage.

    Merci d'avoir mis un terme à tes douleurs...autrement. En douceur.

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