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Chères toutes, chers tous,
Je suis depuis plusieurs semaines, en co-thérapie avec une de mes collègues, une patiente opérée au niveau de son pied gauche qui a ensuite contracté une infection par staphylocoque. Par la suite, une névralgie crurale incessante de la branche terminale du nerf saphène gauche (stade IV de lésions axonales Aβ) avec allodynie mécanique a été mise en évidence avant que la patiente n’arrive chez nous.
Je n’ai pas souvent vu de patiente aussi … agitée ? paniquée ? éparpillée ? lors de la 1e séance.
Le diagnostic d’allodynie mécanique avait déjà été posé mais cela ne lui évoquait pas grand-chose. Je lui ai fait lire l’article Douleurs neuropathiques : Mythe ou réalité ? de l'e-News Somatosens Rehab, 14(2) qui l’a beaucoup touchée (« c’est exactement ça ! »). Je lui ai expliqué les mécanismes liés à une allodynie mécanique et l’objectif de restauration de l’inhibition tact-douleur, ce qui l’a rassurée (« j’ai l’impression que les pièces de Lego® sont en train de s’assembler »).
Et puis nous avons continué à échanger. J’ai alors appris qu’elle a, des années auparavant, survécu au passage d’un cyclone sur une île isolée et a contracté une infection sur la face médiale des deux pieds, infection qui a été soignée difficilement et douloureusement dans un dispensaire local. Elle m’a alors dit qu’elle pensait s’en être remise, mais que ces derniers temps, elle en faisait des cauchemars.
Lorsque je lui ai parlé de perceptions qui s’entrechoquent, une nouvelle pièce de Lego venait de s’assembler. Le fait de pouvoir mettre des mots sur ses ressentis a beaucoup aidé à l’apaiser.
Les cauchemars se sont ensuite calmés. La rééducation n’est pas terminée, certaines situations restent entremêlées, mais le fait d’avoir pu évoquer les souvenirs des évènements antérieurs a aidé la prise en charge : en connaissant ces éléments de son passé, il nous a été plus facile de comprendre certaines de ses réactions, entre autres une très grande appréhension lorsque l'on approche son pied.
Avez-vous déjà eu des situations similaires ?
Si cela en intéresse certain·e·s, je vous invite à relire l’article suivant : LES PERCEPTIONS QUI S’ENTRECHOQUENT : L’EMPREINTE DU PASSÉ DONNE UN GOÛT AU PRESENT dans l'e-News Somatosens Rehab, 17(2).
Au plaisir de vous lire sur ce sujet 😊
Florine, RSDC
CH - Fribourg
Réponses
Merci pour le partage de ton expérience. C’est vraiment très inspirant!
Je laisse aussi parler mes patientes de leurs expériences douloureuses passées avec beaucoup d’écoute active et d’empathie. Certaines ne pourraient pas lire les articles à cause de leur perte de capacité à lire en lien avec étourdissements lors de saccades visuelles. Mais l’écoute active me permet de voir un lien de confiance amélioré. J’arrive à observer l’évolution de la condition lors de cette ouverture à leur monde douloureux, par une amélioration du score total des douleurs affectives-émotionnelles au QDSA.
Mais ton commentaire m’encourage à apporter plus souvent avec moi des articles du genre pour au moins leur en faire un résumé et leur laisser une copie si quelqu’un de proche veut les lire.
Merci encore!
Bonne et belle journée!
Guyane, RSDC®️
Chères Florine et Guyane,
Chers toutes et tous,
"Agitée ? paniquée ? éparpillée ? lors de la 1e séance.
C'est vrai Florine que lorsque l'on souffre déjà depuis plusieurs mois de douleurs neuropathiques sans proposition de traitement -ou des traitements qui vont dans le mauvais sens comme peut l'être la balnéothérapie, et toute thérapies qui vont dans le sens d'une exacerbation de l'irritation des fibres nerveuses-, passer encore des tests qui intensifient la douleur qui persiste dans le temps, n'est pas facile. Je pense que la première séance est l'une des plus dures.
D'un côté, quand la thérapeute explique la/les maladies à la patiente en lui lisant éventuellement un article ou un témoignage des e-News et qu'à un moment donné, elle se dit :« c’est exactement ça ! », elle n'est plus seule. C'est magique. Comment cette thérapeute connait si précisément les maux qui me torturent?
D'un autre côté, il y a une appréhension se manifestant, comme tu le dis si bien, par une agitation, une panique, un éparpillement. La patiente vient avec un corps "mutilé" par le phénomène d'hypoesthésie et paradoxalement hyperprésent de douleur. L'intégrité de son identité est directement touchée par cette "absence hyperprésente", et par ailleurs si elle prend des médicaments, les effets secondaires couvrent une partie de l'acuité de la douleur (dans le meilleur des cas) mais peuvent provoquer une accélération, des problèmes à trouver ses mots, une sensation de désintégration. Elle est en morceaux (sa jambe ou son pied gauche est à la fois creuse et lourde) d'où l'éparpillement.
Et Florine est en train de l'aider à se ramasser, à se réapproprier l'ampleur de son être en allant vers une unité retrouvée ou du moins en s'en approchant en douceur.
Cette plongée dans un temps fixe -de glacial à brûlant- qui n'avance pas la ramène à des événements traumatisants pas intégrés complètement. Grâce au récit qu'elle en fait, elle les pose dans le passé et va pouvoir d'autant mieux les distinguer des douleurs neuropathiques. Florine et/ou sa co-équipière pourraient lui suggérer de se répéter, comme une sorte de mentra, lorsque sa jambe est gelée, serre, qu'elle sent que la mort rôde, que l'angoisse monte : "je ne suis pas en 1995 -au hasard, l'année du cyclone- mais bien en 2021". La ramener un maximum au présent.
Quant à la peur que le pied soit touché, cela reste longtemps, c'est instinctif et peut-être à cause du phénomène de persistence dans le temps de l'allodynie...
L'écoute active, comme la préconise Guyane, est essentielle. Une fois par semaine, quelqu'un l'écoute et la comprend. C'est nouveau, magique mais le reste du temps, il faut faire avec, ou plutôt sans...
"Le propre des douleurs neuropathiques se situe dans l’existence de pics de douleurs paroxystiques, nommés crises névralgiques, pouvant projeter simultanément notre patient dans plusieurs temporalités : la crise actuelle, la ou les crises précédentes et parfois même un événement antérieur sans rapport apparent avec la douleur occasionnant le traitement." (LES PERCEPTIONS QUI S’ENTRECHOQUENT : L’EMPREINTE DU PASSÉ DONNE UN GOÛT AU PRESENT dans l'e-News Somatosens Rehab, 17(2))
J'arrête là mes commentaires qui j'espère seront aidants et laisse la place autres réflexions sur ce sujet délicat et subtil.
Bonne fin de journée à toutes et tous.
Estelle