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Bonjour,
je me permet de vous demander conseil pour une patiente que je suis depuis mi-mars. Il s'agit d'une femme de 26 qui a chuté en novembre 2021 et le diagnostic a été posé en décembre : entorse de la cheville et de la ligne de chopart à droite.
Suite à l'évaluation les conditions somesthésiques ont été posées : SDRC de Budapest du Nerf cutané sural latéral à droite avec allodynie mécanique (stade V de lésion axonale Aβ) et une Névralgie fémoro-poplité incessante du nerf péronier superficiel droit avec allodynie mécanique (Stade IV de lésion axonale Aβ). L'arc-en-ciel des douleurs est rouge pour les deux branches nerveuses.
Mi-mars les douleurs était à 8-9/10 EVA sans répit. Aujourd'hui, suite aux recommandations et à la prescription de ne pas toucher nous somme à 6-7/10 EVA. Madame essaye de se déplacer le moins possible afin de ne pas solliciter sa cheville droite mais ayant tout stoppé ses activités à cause des douleurs, elle doit sortir se promener avec son mari pour éviter de sombrer dans la dépression.
Séance après séances nous avons repris les activités de Madame et avons supprimé toute activité pouvant être contraire à la prescription (même l'épilation des sourcils provoquant des malaises).
A l'heure actuelle, je n'ai trouvé aucune zone confortable de contre-stimulation. Qu'elle est l’attitude à adopter dans une telle situation ?
D’avance je vous remercie pour vos lumières .
Valentin
RSD en formation
Réponses
Il faut se rappeler que les 2/3 du traitement en présence d’allodynie mécanique, c’est de ne pas toucher. S’il n’y a aucune zone segmentaire supérieure de confortable, il reste seulement à réviser toutes les activités entraînant des touchers inconfortables pour adapter et réduire encore les touchers.
De plus, tu peux voir dans le chapitre concernant le SDRC dans le manuel (je ne l’ai pas à ma portée actuellement), qu’il est important de cesser tout mouvement de l’articulation siège du SDRC même s’il y a raideur. Ne pas faire d’exercices de mobilisation tant que le SDRC est actif. Pour un SDRC situé à la cheville, ceci veut dire de ne plus marcher sur cette cheville pour maximiser la récupération. As-tu essayé les béquilles? Ou même le FR? Avec une EVA aussi élevée, les mesures extrêmes s’imposent si l’on veut être capable de retrouver une zone confortable pour la CSVD.
Bon succès!
Guyane, RSDC, niveau 3
Bonjour Guyane,
Merci pour ta réponse. Je vais reprendre chaque tâche de chaque activité avec Madame afin de trouver les points où la prescription n'est pas encore suivi.
Madame se déplace avec des cannes anglaises et nous avons stoppé la physio et toute activité durant laquelle la cheville est mobilité, à l'exception des sorties qu'elle fait avec son mari. A l'heure actuelle, elle ne peut pas y renoncer. J'ai essayé d'aborder d'autres aides à la marche pour limiter au maximum les mouvements de cheville. C'est très difficile a entendre pour elle à l'heure actuelle. Elle est très impactée par le regards d'autrui. Il est difficile de mettre en place de telles "mesures extrêmes" tout en ayant l'adhésion de la patiente. Je vais cependant essayer de mettre cela en place petit à petit.
Merci beaucoup pour ces pistes de réponses
Valentin
RSD en formation.
Tu sembles avoir fait ce qu’il faut! Parfois, le choix de la patiente est à respecter. S’assurer qu’elle en connaisse bien les conséquences.
De mon côté, j’ai aussi eu une patiente avec un SDRC logé dans une cheville et à cause de ses autres conditions (spina bifida et fibromyalgie), de son environnement inadapté au fauteuil roulant et de son besoin de marcher, il fut conclu qu’il ne servait à rien de poursuivre avec la rééducation sensitive. Il lui était impossible de mettre le traitement complet en place et donc, d’améliorer sa condition.
L’éducation thérapeutique reste ta dernière chance pour accompagner ta patiente dans ses choix. Peut-être aussi voir si un soutien psychologique était possible afin de travailler sur l’anxiété sociale…
Bon succès!
Au plaisir de te relire!
Guyane
Désolée d’avoir employé le diagnostic!
Guyane
Et merci Valentin de partager ta problématique avec nous.
En effet, une des conditions pour la poursuite de la RSD est d'avoir une zone de contre stimulation. Si tel n'est pas le cas malgré tout ce que tu as entrepris avec elle, est de savoir dire à la patiente que tu ne peux rien faire pour elle. D'une part, il s'agit de respecter la temporalité du patient et d'autres d'accepter ne pas être des "magiciens". Quelle dure leçon d'humilité pour nous thérapeute qui nous devouons pour améliorer la qualité de vie de nos patients.
Donne nous des nouvelles.
Maéva
Petite nuance e la 4e édition
• La zone « inférieure / supérieure » de travail
(...)
Exception : Nous ne pouvons pas prescrire une méthode basée sur le toucher si nous ne pouvons pas toucher le patient. Cependant, nous pouvons fixer une 2e séance de rééducation sensitive trois semaines plus tard en limitant notre prescription à la première directive. Puis, trois semaines, plus tard, nous testons de nouveau si une zone est « libre », c’est-à-dire franchement confortable. Si ce n’est toujours pas confortable, c’est alors, réellement, une contre-indication à la rééducation sensitive, sans quoi, nous risquerions d’augmenter les douleurs du patient. Il y a donc lieu de ne PAS poursuivre la rééducation sensitive des douleurs neuropathiques, à moins d’une régression signi-ficative du territoire de l’arc-en-ciel des douleurs.
Je suis également dans cette situation avec une patiente qui suite à son AVC a son hemicorps hypersensible (en particulier la branche nerveuse transverse cervical gauche)mais les niveaux segmentaire T5-T10 sont moins désagréable mais pas "confortable".Je voulais demander comment me comporter pour prescrire la zone de travail.
C'est bon j'ai eu ma réponse
Cher Valentin, Claude, chères Guyane, Maeva, Henryka, vous toutes et tous,
"Mesures extrêmes" pour situation allodynique extrême...
L'emprisonnement que constitue l'allodynie à un stade sévère est réel : une peau devenue intouchable sur toute une moitié du corps, causant par conséquent une souffrance et un isolement face aux êtres chers qui se trouvent de l'autre côté, inatteignables; un espace très limité où se déplacer, une temporalité bloquée, le sentiment flippant d'être devenue autre, figée, de vivre un dérèglement sans nom.
La zone dite confortable met parfois du temps à se libérer. En 2017, Diane Duchesne m'a donné une chance, en me testant quelques semaines après le 1er rdv... Dans le cas de ta patiente, la zone n'est pas encore là. Cela peut paraître très (trop?, anormalement?) long. Peut-être aussi que ta patiente ne peut tout simplement pas faire autrement, avec une telle acuité de douleurs sans répit.
Mais, Valentin, si l'adhésion à la méthode est acquise, c'est gagné, ta patiente, fera tout (ou plutôt beaucoup moins...) pour pouvoir commencer le traitement. C'est là que la lecture de témoignages constitue une des ressources possibles pour s'engager, au milieu de l'épuisement. Je te laisse deux références e-News Somatosens Rehab, avec un extrait pour la première :
1) "Esquisse d’espoir que l'on est presque sûre d'avoir vu se dessiner, comment te faire encore davantage de place? Avec une attention aiguisée, une certaine dose de tolérance à l'incertitude, aux paradoxes du vivant, l’audace de s'engager dans une logique inhabituelle. Au début, aucune zone où passer le pompon en poils de lapin ; puis très loin du pied, au niveau de la mâchoire ; Vagues vaguement qui s’éloignent, ressac poignant. D'une oreille incisive, percevoir la sensation confortable ou au contraire déceler l'irritation qui demande à la main de s'arrêter. Sur une peau devenue inaccessible, étrangère, barbare, alter (autre), pas de doute, la rééducation sensitive dés-altère. Un textile suave puis trois, un peu moins souvent et plus longtemps au fil des mois. Une gouttelette de douceur est versée au milieu d'une mer de violence. Régularité, ténacité du geste." (extrait de la version longue pas entièrement publiée de Murray, E. (2019) Désaltération, Somatosens Rehab, 16(4), p.113).
Téléchargeable : https://www.neuropain.ch/sites/default/files/e-news/e-news_somatoses_rehab_16_4_0.pdf
2) Aeby, Ch. (2013) Lettre illustrée No 40 d’une patiente «Eh oui ! L’allodynie mécanique, on en guérit ! », Somatosens Rehab 10 (1),13-14
Téléchargeable : https://www.neuropain.ch/sites/default/files/e-news/le-news_101_1.pdf
"Vigilance et persévérance" (Spicher, 2022) des deux côtés, tant pour ta patiente que pour toi, cher Valentin, à qui je souhaite de tout coeur que la sauce prenne...
Estelle, ex-soignée, qui ne regardera jamais plus un lapin comme avant...