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Expérience des tropiques

Bonjour !
Je suis Michael Temgoua, neurologue exerçant au Cameroun. Très heureux d'être là et surtout de poursuivre cette formation avec vous ! J'ai fait la première partie de la formation en ligne et je suis vraiment enthousiaste à l'idée de l'achever ,mais surtout de pouvoir partager ma pratique de réeducation sensitive sous les tropiques. J'espère pouvoir bénéficier de l'apport des réeducateurs chevronnés de la communauté afin de m'améliorer .

Réponses

  • Une des grandes difficultés que je rencontre c'est la passation du QDSA. Il y a beaucoup de termes que mes patients ne connaissent pas forcément ce qui fausse probablement mes scores. Étant donné que les termes employés ne doivent pas être changés ,quelle astuce utiliser pour arriver tout de même à passer le QDSA?
  • Bonjour et bienvenu parmi nous.

    Effectivement la passation du QDSA est plus ou moins facile en fonction du niveau linguistique du patient.
    Pour certains termes, j'utilise des images par exemple le rayonnement fait appel à l'image du soleil, l'étau à la description de l'outil. J'insiste sur la représentation mentale de la sensation avant la réponse et si il y a hésitation, le terme est considéré comme inadapté.
    Peut-être peux-tu préciser les termes qui te posent le plus de difficultés pour chacun puisse partager son expérience et que tu puisses trouver ton propre outil.

    Maéva
  • Merci pour l'astuce Maeva ! J'avoue que j'essayais parfois d 'expliquer le mot ..mais craignant que cela ne fausse le score final je le faisais sans grand enthousiasme.
    Cela dit les termes qui me posent le plus de problèmes sont: Rayonnante ( bien vu Maeva) ,éreintante ( pas toujours facile de faire la différence d'avec fatiguante) , Sourde, syncopale.
  • avril 2022 modifié

    Bonjour Michael et Maeva,
    Bonjour à toutes et tous,

    Quand Claude fait référence à un concept, il parle à juste titre de son essence, son sens et son univers de sens.

    Pour ma part, je crois aussi que les énoncés ont leur halo de monde qui les accompagne. Avoir recours à des images évocatrices, comme le suggère Maeva, me parait très pertinent.

    Afin que le langage ne se laisse pas enfermer dans la prison des concepts, un langage plus poétique, -ce qui nous reste de la notion de mythe (muthos), opposé à la raison (logos)- permet souvent de comprendre ou du moins suggérer au-delà du concept. "C'est comme si..." et chaque patient.e part à la recherche de son indicible.

    Pour "éreintante", c'est beaucoup plus que fatigante, c'est épuisante, harassante. Je renvoie notamment à l'article "Nuits sans repos, angoisse et isolement" de Claude, auquel j'ai collaboré. Il a paru dans le magazine Salle d'attente et l'on peut le trouver sur Academia. En voici un extrait:

    "Ce syndrome est très angoissant, notamment à cause de l’enraidissement fluctuant de l’articulation qui est aussi le siège de sensations cuisantes/chaudes/froides/glacées. Cette sensation d’enraidissement est d’autant plus angoissante qu’elle augmente, dans 98% des cas, après l’activité contrairement à tout «bon sens». C’est ainsi que les nuits sont entrecoupées de nombreux réveils, dans une ambiance noire, creuse, glauque et poisseuse — thanatos ne rodant pas loin — et laissant les personnes au petit matin encore plus épuisées que la veille. Il est ainsi intéressant que les patient·e·s
    puissent bénéficier de somnifères ; le nombre d’heures de sommeil peut être augmenté par une sieste de 20 ou 90 minutes."
    https://academia.edu/42908668/AVANT-PREMI%C3%88RE_Nuits_sans_repos_angoisses_et_isolement._NON_le_SDRC_nest_PAS_incurable?email_work_card=view-paper

    Sans changer le terme, il peut être déployé. Le/la thérapeute peut aider son/sa patient.e à "toucher" du mot sa douleur, qu'il se trouve en Europe, en Afrique ou ailleurs.

    Je vous encourage à partager vos difficultés liées aux termes du QDSA, c'est important. Il en va du lien thérapeutique. Le/la patient.e n'est plus seul.e. Vous parlez sa langue.

    Mes meilleurs messages,
    Estelle

  • avril 2022 modifié

    Bonjour à tous,

    Au sujet du QDSA, je me permets de poser une question :
    j'avais cru comprendre (peut être à tort) que ne nous devions pas aider en essayant de définir/éclairer ... les mots du QDSA que le patient ne comprenait pas.
    Ainsi, si le patient ne comprend pas le mot, c'est qu'il ne correspond pas à sa situation donc, mot non coché, non-comptabilisé.

    merci de m'éclairer

    Valérie, RSD

  • Bonjour Michael,
    Bonjour tous

    Pour suivre l'idée de Maéva, le mot "éreintant" me fait écho lorsque j'imagine une personne arriver à 4 pattes à la fin d'une course... c'est une fatigue extrême en d'autres termes, une fatigue physique mais mentale également...

    Ici j'ai plus de difficultés à comprendre les termes "distensions" et "suppliciant" !

    Sophie

  • avril 2022 modifié

    Chères Maéva, Estelle, Valérie, Sophie et toutes,
    Chers Micaël et tous,

    Je débuterais en disant que tous les McGill Pain Questionnaire (dont le QDSA en français) sont des outils didactiques pour aider à l'anamnèse clinique, ce temps et cet espace, ce récit à deux voix qui devraient permettre de remonter le fleuve des souvenirs.

    Oui, Estelle nous redit à quel point « nommer, c’est reconnaître et
    cela fait du bien. » (Murray, 2019)

    Un patient me disait il y a peu: "Refuser au soigné la possibilité de réfuter le diagnostic, c'est l'assigner à un rôle d'ignorant, alors même que c’est lui qui connaît le mieux ses symptômes."

    Oui, Valérie, je ne définis jamais un qualificatif, car je cherche des mots qui résonnent dans les valeurs, irconstances et croyances du patient. Ces termes doivent devenir leurs qualificatifs pour remplacer "douleur" ou encore "j'ai mal" qui sont vrais, mais ô combien trop généraux pour générer du changement.

    Micaël, je cherche des synonymes personnels, si possible un par groupe, pour vérifier que ce groupe de symptôme n'est pas présent. Ce que nous appelons en médecine le "caractère électrique de la douleur" à Paris se dit certe "irradiation", mais à Fribourg "chnaillées" ou encore à Bordeaux "une chataigne". Techniquement dans le rectangle correspondant je "biffe" - "rature" - "barre" le qualificatif " et je le remplace avec SON syntôme entre guillemet. Autre exemple: élancements se dit en suisse: "lancées".

    Oui, Sophie, pour certaines patientes suppliciant se réfère au Vendredi Saint dont nous approchons, à 15H, la mort du Christ en Croix.

    et

    Oui, Maéva, j'utilise bien volontiers certaines images du DN4

    @ ... tout de suite

    Claude

  • Bonjour Michael, Estelle, Sophie, Claude et à tous

    Pour la douleur sourde, je serai curieuse de savoir ce que les autres en pensent. Pour ma part, cela me fait penser à une caisse de résonance, pas de son bien distinct.

    Estelle, comme tu la relèves si bien, l'importance de pouvoir mettre des mots sur la douleur. J'y passais de plus en plus de temps avec mes patients car je ressentais les patients s'alléger tellement pour certains. La sensation d'être enfin entendu si ce n'est compris. Car peux-t-on vraiment comprendre ce que nos patients endurent ?

    Maéva
  • Bonjour à tous,
    Je partage également vos expériences autour du QDSA. Quand mes patients bloquent sur certains mots, j'essaie comme Maëva d'utiliser des images (rayon du soleil, étau outil...) mais j'ai toujours peur de trop les orienter. Je les rassure aussi en leur disant qu'il y a une multitude d'adjectifs subtils dans ce test et que donc si ce mot ne leur parle pas ils en trouveront un autre qui décrira ce qu'ils ressentent.

    Le QDSA est effectivement pour moi un moment important de l'évaluation qui permet souvent d'échanger sur ce que les patients ressentent, ils peuvent (enfin) mettre des mots sur ce qu'ils ressentent.

    Maëva, pour la douleur sourde j'ai l'image d'une douleur latente qui est là, un peu cachée... Je n'avais jamais pensé à la caisse de raisonnance mais c'est une image que je pourrais utilise aussi !

    Mathilde

  • Merci beaucoup pour vos réponses !
    C'est une aide précieuse pour moi! En effet la douleur neuropathique représente pratiquement le quart de mes consultations !c'est dire que la problématique de l'évaluation dans la perspective de la réeducation est très prégnante pour moi en pratique .
  • avril 2022 modifié

    Bonjour Micaël, Claude, Sophie, Valérie, Maéva, Mathilde
    Bonjour à toutes et tous,

    Je trouve très touchant de constater vos efforts pour comprendre chaque fois plus subtilement vos patient.e.s, ces autres semblables, dans une situation de vulnérabilité -parfois extrême- et dont la/les maladies pourraient ou auraient pu être la/les vôtre.s. Merci d'essayer de vous glisser dans leur peau altérée (Les politiciens devraient d'ailleurs prendre de la graine de vos discussions et de votre art d'entrer réellement en dialogue...)

    Pouvez-vous vraiment comprendre ce que vos patients endurent, demandes-tu Maéva. "Com-prendre", dans le sens de prendre avec, saisir, embrasser la totalité de leur épreuve est certes impossible. Mais c'est à travers le débat et les questions soulevées, le partage de vos expériences, notamment sur cette plateforme, que vous les comprenez chaque fois mieux, ensemble.

    Merci à toi, Micaël, neurologue conscient non seulement de la complexité du système nerveux mais aussi de celle du langage et des conséquences que cela peut induire au niveau des scores des QSDA.

    J'ai mon idée sur "distension", "syncopale" et "sourde" (plus facile car expérimentés) mais je vous laisse partager vos expériences sur ces qualificatifs-là, comme vous avez commencé à le faire, et sur d'autres mots qui poseraient problème.

    Pour ma part, je me contente de vous renvoyer à la lecture de l'excellent article de Claude, "Avoir trop mal depuis trop longtemps", paru dans les ex-E-newsSomatosens Pain Rehab 2008, 5(4), p.155-158:

    https://neuropain.ch/sites/default/files/e-news/e-news_54_1.pdf#page=30

    Bonne journée,
    Estelle

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