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Prise de sang sur allodynie.

Bonjour à toutes et à tous,

Je viens vers vous pour partager un cas clinique un peu particulier c’est d’ailleurs un patient qui m’avait dejà poser question il y a de cela quelques mois et dont je vous avais fait part sur ce forum. 

Je vous expose donc ce patient et sa problématique d’allodynie sur la branche superficielle du nerf radial de la main droit suite à une opération pour mise en place d’une prothèse trapézo métacarpienne en février 2021 (arthrose avancée et qui a dejà subi la même intervention sur le côté gauche avec des suites opératoires assez simples en 2020). La condition neuropathique est la suivante névralgie brachiale incessante de la branche superficielle du nerf radial avec allodynie mécanique (Stade IV des lésions axonales Abeta). Allodynie de sévérité conséquente (arc en ciel des douleurs verte à 1,5g).

Voila maintenant près d’un an (mai 2021) que je vois ce patient tous les mois et que je réévalue à la fois le QDSA mais aussi l’évolution de l’arc en ciel des douleurs (bleu actuellement).

 Malgré une adhésion maintenant totale à la méthode (et validée par son chirurgien !) le patient s’en remet complètement à moi mais s’approprie les recommandations à sa « façon » (cas du gant compressif pour celle et ceux qui s’en rappellent, puis obligation de mettre des vêtements « couvrants » pour le Ramadan etc…). Ce qui rallonge d’autant la prise en charge… On est loin des « 1 mois par couleur ». 

 En janvier 2022, alors que l’évolution se poursuit positivement et que les scores du QDSA s’améliorent considérablement : score sensoriel : mini 19 points et Maxi 41 points et Score émotionnel affectif : mini 3 points Maxi 7 points, le patient est alors victime d’une pneumopathie qui l’oblige à se faire hospitaliser en urgence. A la demande de l’urgentiste, un bilan sanguin est demandé. C’est alors que le patient dont le réseau veineux est difficilement « identifiable » va être « piqué » à plusieurs reprises sur les deux bras et en particulier sur le territoire allodynique du bras droit avant finalement d’être prélevé au niveau fémoral... 

Ma réévaluation de février est désespérante, le patient qui se réjouissait de pouvoir à nouveau toucher son bras en janvier ne supporte plus le moindre contact sur sa main droite. Le QDSA flambe tant sur la partie sensorielle (score mini : 55 et maxi : 75 points ) que la partie affectivo émotionnelle (score mini : 21 points maxi : 28 points), la cartographie de l’arc en ciel des douleurs n’est même pas réalisable le jour de la réévaluation à cause des douleurs. 

Je décide de le reprogrammer un mois plus tard en espérant que les choses évoluent positivement et me montre somme toute rassurant avec le patient (verbalise depuis plusieurs mois une confiance entière sur la méthode).
En mars 2022 je revois donc ce patient qui a poursuivi de son côté les prescriptions de ne pas toucher si possible la zone allodynique et les contre stimulations vibro tactiles à distance sur une branche cousine que l’on avait déterminé ensemble (branche du nerf cutané postérieur du bras) associées à des patchs de lidocaïne la nuit.

Résultat : nous retrouvons un QDSA qui se normalise avec des scores très encourageants avec un score affectivo émotionnel qui est revenu exactement au même niveau que le mois de janvier (mini 3 points et maxi 7 points) et perte de 25 points sur les douleurs sensorielles «(score mini 33 points et maxi 50 points). En seulement un mois !!

L’allodynie semble avoir fait marche arrière aussi vite que ce qu’elle était revenue…

Comment expliquer ces résultats ? existe-t-il une « mémoire » de la douleur qui aurait pu faire augmenter spontanément et de manière « transitoire » les douleurs neuropathiques après les multiples tentatives de piqures sur la zone allodynique ? Ou est-ce que des mécanismes physiologiques ont pu se faire et se défaire aussi rapidement ?
Toujours est-il que les choses s’améliorent et ont conforté le patient dans les bienfaits de cette méthode.
Merci pour vos remarques, dans l’attente de vos retours,
Franck.

Réponses

  • mars 2022 modifié

    Cher Franck, toutes et tous,

    J'espère que la 2e partie de cette formation en ligne va t'apporter quelques réponses, dont la vidéo de Noëmie Mermet-Joret sur les mécanismes neurophyiologiques de l'allodynie.

    En attendant, je dirais "oui, certaines aires corticales présentent des traces somesthésiques". Christian Maihöfner (Erlangen) dans notre article d'EMC montre qu'une des nombreuses aires responsables de l'allodynie est le cortex cingulaire antérieur situé profondément derrière le front. Le cortex insulaire est aussi sur-activé. C'est un des sièges de l'anticipation, de l'intéroception. Au Centre à Fribourg, lors de nos séances de trancranial DC Stimulation (tDCS) ce sont ces aires corticales que nous visons.

    La règle que j'ai tiré de mes _in_ductions, en partant d'observation singulières pour en tirer une conclusion générale est que l'allodynie est gouvernée par la somme des expériences biographiques. OUI, lors du QDSA le patient est dans de nombreuses temporalités différentes. Cette semaine une patiente qualifiait un symptôme en décembre 2020 "lorsque je n'ai pas dormi pendant 2 semaines avant de me faire opérer", elle qualifait un autre symptôme en janvier 2021 "après l'infiltration de l'hernie" et lors du troisième, pour faire court, "la semaine passée". C'est pourquoi, nous insistons sur "les symptômes dans les dernières 24 heures" (à la rigueur, je prend un 2e bic et d'une autre couleur, je cote "lors de la dernière semaine").

    En une phrase, je dirais que la grande affaire de l'allodynie c'est le temps.

    Notre objectif d'actrice·teur du changement est de:
    Transformer le temps en devenir.

    En espérant avoir fait baisser ta pression artérielle.

    Claude

  • Bonjour à tous,

    Merci pour cet échange et pour ces précisions anatomiques!

    Ceci me fait m’interroger sur notre rôle quant à cette mémoire des cortex, est-ce qu’en insistant (trop?) fortement sur la nécessité de ne pas toucher pour permettre la disparition de l’allodynie mécaniques statique, on ne crée pas parfois une « psychose du toucher » culpabilisant ainsi nos patients en cas de toucher inopportun de la zone allodynique et contribuant ainsi à la flambée des douleurs ??
    Est-ce que la nuance du « aussi souvent que c’est possible » pourrait, en étant bien assimilée, contribuer à limiter le risque de flambée des douleurs en cas d’intervention sur le territoire de provenance cutanée à éviter?

    Merci par avance pour vos retours
    Une belle journée

    Christine
    RSD niveau 2

  • Bonsoir à tous
    Il me semble que pour nos patients, la nuance du « aussi souvent que c’est possible » est souvent très bien assimilée car en pratique c’est ce qu’ils font…arriver à ne pas toucher une zone à 100% est très compliqué..
    et, de mon expérience, lors d’un toucher inopportun, je ne dirais pas qu’ils culpabilisent mais qu’ils sont surtout douloureux..
    As tu eu des expériences différentes ?
    Cela est peut-être + lié à une personnalité bien particulière d’un patient, plutôt qu’à nos consignes de rééducation …?
    Bonne soirée
    Élise RSDC
  • Bonsoir à tous,

    Ravi de voir autan d'échanges sur le forum.
    Franck, je te rejoins j'ai déjà eu ce type de va et vient chez des patients avec leur allodynie. Examen, stress important mais la persévérance à gagné.
    MABONc sauf erreur de ma part, il n'a jamais été conseillé d'"insister", in est plutôt fait question d'éducation même si pas thérapeutique mais qui permet d'induire un changement de comportement et une adhésion au traitement en s'adaptant à son mode de vie et en respectant son cheminement. Le "Chronos" si cher à Claude pour le bien de nos patients.

    Maéva
  • Bonjour,

    Oui Maeva, ça fait vraiment très plaisir de voir autant d’échanges et d’enthousiasme sur notre forum ! Merci à toutes et tous et encore bienvenue à nos nouvelles/nouveaux collègues en ligne ! Et merci beaucoup pour cette discussion très enrichissante Franck !

    Je me permets de revenir en particulier sur ton questionnement Christine. Les nuances que tu proposes piquent notre curiosité, font réfléchir et on adore ça sur ce forum…

    Je ne veux pas paraître tatillonne, casse-pied voire pire, mais j’ai un peu peur que la notion de « psychose du toucher » (même si j’ai très bien compris ce que tu veux dire) n’engendre une certaine confusion pour nos collègues qui commencent leur formation en RSD… Faisant germer faussement dans leurs apprentissages que l’intolérance au toucher serait « déconnectée du réél »… D’autant plus que si ce mot sort en thérapie, même à titre de métaphore, il n’aura sûrement pas le même sens pour nos patient.e.s et risque, à la vitesse de la lumière et sans même qu’on ait le temps de s’en rendre compte, de les ramener à ce qui les fait le plus souffrir : «tout le monde pense que mes douleurs sont d’origine psy et moi aussi »…

    Pour rebondir sur ton interrogation, je pense qu’on n’insiste jamais trop… Cette -prescription de ne pas toucher, autant que possible- fait partie intégrante de notre traitement et, à chaque séance, on est obligé de leur en parler et de faire le point avec eux sur les adaptations mises en place pour y parvenir au mieux. Et comme on le sait bien, c’est le non-respect de cette première règle enseignée à nos patients qui est d’éviter, autant que possible, tout contact avec l’ensemble des territoires cutanés inconfortables au toucher qui serait susceptible d’aggraver le statut.

    Mais oui… Chaque patient.e fait comme il peut, du mieux possible et c’est souvent bien compliqué. Pour nous, il est aussi parfois difficile de parvenir à les encourager/rassurer et de leur faire intégrer l’importance cruciale de l’application de cette prescription. Tu as raison, avec certain.e.s patient.e.s, il faut faire preuve de plus de délicatesse et de subtilité dans notre éducation thérapeutique pour favoriser leur implication active pluriquotidienne…

    D’où l’importance de chaque mot pour parler des maux…

    Encore une fois, je suis certaine que ce n’était pas ce que tu voulais dire et ton image était très claire mais les précisions ci-dessus me semblaient importantes…

    Qu’en penses-tu ?
    Qu’en pensez-vous ?

    Au plaisir de vous lire, à très vite…

    Géraldine
    RSDC – Module 4

  • Bonsoir et merci à Claude et à vous toutes pour vos réponses, remarques et suggestions. J'ai vraiment hâte de continuer à en apprendre plus lors des prochaines sessions !
    A très vite Merci
    Franck

  • Bonjour
    Je rebondi au message de Géraldine. En effet , je remarque qu'il faut constamment refaire cette éducation de ne pas toucher autant que possible.
    Il arrive fréquemment que le patient dise "oui je ne touche plus" tout en nous parlant et en frottant la zone allodynique. Et j'ai vu plusieurs patients qui disent alors qu'il touchent sans s'en rendre compte lorsque je leur fais constater que là, maintenant, ils sont en train de toucher.

    Pour ma part je reprends souvent ce que ça implique de ne pas toucher : on ne frotte pas, on ne met pas le jet de la douche sur la zone allodynique, on ne masse pas, on ne rase pas, on ne passe pas de crème, on évite les vêtements....

    Le "autant que possible " est essentiel pour éviter de culpabiliser le patient. Et cela permet de montrer que, peut- être ce qui paraissait impossible au début , est finalement de l'ordre du possible.

    Bonne journée à tous

    Sarah
    RSDC

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