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Bonsoir à tous et à toutes,
Je suis confronté (une nouvelle fois) à un cas qui me met en difficulté. Vos conseils avisés j'en suis sûr m'aideront dans ma prise en charge. Je vois un patient 32 ans suivi initialement pour une fracture diaphysaire de P2 du doigt III de la main droite chez un patient droitier et atteinte de la plaque palmaire qui limite les mouvements de flexion extension de la phalange. Il persiste des douleurs résiduelles... Résultat : chirurgie de l'IPP et mise en place d'une prothèse le 19 Octobre dernier. En post opératoire, le tableau clinique s'est détérioré avec (cf photo) douleurs très importantes au niveau du doigt III face dorsale avec irradiations jusque dans l'avant bras. Le QDSA est particulièrement élevé (je n'ai pas les scores avec moi désolé) et une raideur s'installe au niveau de l'IPP. Le score de Budapest est positif. Le patient souffre donc d'un SDRC. La mobilisation passive du III est difficile, le patient ne supporte pas le contact physique du thérapeute (exacerbation des douleurs décrites comme des décharges électrique et lourdeur). Je réalise une allodynographie elle est positive. Le patient souffre d'un SDRC de la branche dorsale du nerf médian droit (stade V de lésions axonales A beta) avec allodynie mécanique.
Le traitement que je propose est donc la prescription de ne pas mobiliser l'IPP si possible et le traitement de l'allodynie mécanique avec de la CSVD patch de Versatis la nuit et les 8 contre stimulations quotidiennes de 1 min ou moins.
La problématique que je rencontre est que le médecin souhaite que l'on poursuive la mobilisation car il ne faut pas qu'il s'enraidisse. Pourtant, à chaque séance de mobilisation les troubles vasomoteurs empirent et les douleurs aussi. Le patient bénéficie d'un traitement médicamenteux lourd pour traiter les douleurs neuropathiques et un traitement anti dépresseur également. A ce jour, aucune amélioration fonctionnelle et des douleurs majeures permanentes.
Que faire pour aider ce patient ? Avez vous déjà rencontré ce type de situation ?
Je suis dans une situation un peu délicate puisque ma prescription va à l'encontre de celle du médecin (qui pourtant connait la méthode de rééducation sensitive) et le patient ne sait plus quoi faire.
Merci pour lui et pour les réponses, observations, remarques que vous ferez.
A bientôt, (je ne sais pas si l'image est visible)
Franck.
Réponses
Dans ces cas là, si malgré les (nombreuses) négociations je ne parviens pas à obtenir gain de cause ... nous convenons d'une prise en charge "classique" (mobilisation, orthèse, compressif, kiné....) en 1ère intention, suivie d'une rééducation sensitive en 2ème intention...
C'est loin d'être idéal mais c'est parfois la seule option pour montrer au médecin et à l'équipe que les douleurs prédominent et qu'aucune thérapeutique essayée n'est supportée par le patient et/ou qu'aucun progrès n'est observé.
Alors la rééducation sensitive peut se mettre en place....
En résumé, je négocie, je négocie encore... mais parfois cela n'est pas possible sans un détour et une perte de temps pour le patient !.....
Bien à toi,
Anne Claire
Bien qu’en présence d’un SDRC il faille éviter de mobiliser l’articulation siège du SDRC, en situation post-opératoire, il faut analyser ce qui est le moins pire… En l’absence de mobilisation, est-ce que le doigt risque de perdre toute sa mobilité par l’installation d’adhérences, de raideurs et de cicatrices réduisant la souplesse de la peau et des tissus internes? La priorité est-elle d’éviter la douleur ou de retrouver la mobilité? Les douleurs neuropathiques se traitent plusieurs mois en post-opératoire, tandis qu’une cicatrice ou une difformité devient plus difficile à corriger plus le temps avance. Vous, thérapeutes de la main, pouvez me corriger si je me trompe… Reste à savoir ce que ton patient est capable d’endurer ou non. Y a-t-il des mobilisations plus faciles à tolérer? Dans l’eau? En actif? Je lance des idées sans vraiment connaître vos protocoles.
Il est important que ton patient comprenne les conséquences d’un choix de traitement par rapport à un autre. S’il choisit de traiter les douleurs au détriment de la guérison et de la mobilité de son doigt, tu peux alors appuyer ta recommandation avec des citations tirées de notre manuel dans le chapitre qui parle du SDRC, ou d’articles expliquant l’importance de ne pas bouger les articulations.
Je n’ai pas le temps de chercher ces références, mais d’autres pourraient te guider vers des articles au besoin.
Bonne chance!
Guyane
Bonjour à toutes et tous,
pour répondre à Guyane, la mobilisation est nécessaire pour éviter l'enraidissement mais les douleurs dans tous les cas, l'empêchent d'utiliser son doigt (voire sa main). Il y a un décalage entre ce que le médecin voudrait (gagner en mobilité) et ce que le patient espère (ne plus avoir mal). D'autres pistes évoquées par le médecin ont fait surface, des injections pour "éteindre" les nerfs sensitifs mais je n'en connais pas l'efficacité.
Au final peut être que la méthode d'Anne Claire sera la plus adaptée ?
Merci pour vos réponses, je continue mon accompagnement.
Bonjour Franck,
mon opinion seulement, ça fait quelque temps que je n'ai pas pratiqué en thérapie de la main, surtout en post-op. Mais tu amènes un point intéressant dans ta récente réponse: l'objectif du médecin versus l'objectif du client, l'un veut améliorer la mobilité, l'autre la douleur. Des fois notre rôle comme ergo est d'expliquer les avantages et désavantages d'un traitement.
Dans ta réflexion:
Je pense que ce sont des questions qui te guideront, ainsi que ton client, pour ensuite amener ça au médecin.
Pavly
Comme ton patient priorise la réduction de douleur, je suis d’accord avec toi de choisir l’approche d’Anne Claire. J’aurais quand même tendance à négocier qu’en l’absence de progrès d’ici X jours, (max 3 semaines), prévoir appliquer les recommandations de traitement de rééducation sensitive dans son intégralité, soit sans toucher la zone définie (aucune mobilisation, ni crème, ni massage, ni orthèse autant que possible), sans bouger l’articulation siège du SDRC et en faisant la CSVD telle que prescrite. J’appuierais mes recommandations de phrases tirées du chapitre 13 de notre manuel de 4e édition, dont plusieurs tirées de la page 293. Ex: « L’allodynie a été identifiée comme un prédicteur de résultats négatifs dans le SDRC de Budapest, ainsi qu’un obstacle à la participation à la réadaptation (Packham & Harris, 2018) » et j’utilise souvent une citation au bas de la page 295 « … éviter l’accroissement des douleurs en pratiquant une mobilisation trop précoce et énergique, car ceci peut s’avérer contre-productif sur le résultat du traitement. » (Maurer, 2013) et la suite qui se rend au début de la p.296 à propos de la contre-indication de physiothérapie.
S’il y a infiltration de prévue, il est important que tu recommandes qu’elle ne soit pas faite dans le territoire allodynique ni dans la zone identifiée à « ne pas toucher ». Ce qu’on voit sinon, c’est souvent de l’aggravation des douleurs ou aucune amélioration. Je ne sais pas s’il existe des articles pour soutenir nos observations… mais les infiltrations, comme tout autre toucher, entrent dans la « prescription de ne PAS toucher l’allodynographie et les territoires de provenance cutanée afférents » (p.296).
En espérant t’avoir aidé un peu…
Bon succès dans tes recommandations!
Guyane
Bonjour à tous,
Je coincide totalement avec la remarque très pertinente de Frank, reprise par Pavly.
L'objectif du médecin : sa chirurgie est réussie car il y a mobilité fonctionnelle (et j'ajouterai -par expérience- l'assurance ne risque pas de lui poser de problème); par contre le/la patient.e ne peut pas voir ni comprendre cette évolution décrite comme positive car il/elle a beau continuer à décrire les douleurs neuropathiques dont il/elle souffre depuis longtemps, elles ne sont pas prises en compte. Les deux ne parlent pas de la même chose.
Une infiltration sur un territoire allodynique fait très mal et persiste je pense tout autant que si le/la patiente doit passer un ENMG. Du coup, il y aura probablement des répercussions négatives au niveau du traitement en rééducation sensitive. Faut-il vraiment en arriver là, faute de négociations?
Je suis d'accord avec Guyane. Le médecin parle d' améliorer la mobilité mais si l'articulation du doigt du patient est déjà raide et avec un oedème, une peau luisante et colorée après plus d'un an post-opératoire...et que Frank a diagnostiqué un SDRC...l'immobilisation et rééducation sensitive s'imposent.
Bonne chance et persévérance dans les négociations, avec envoi d'articles à l'appui...
Estelle, avec compassion et confiance.
Bonjour à toutes, tous,
voilà quelques nouvelles du patient. Le médecin a avancé plus vite que prévu, et au vu de l'état psycho somatique du patient, il constate que l'on se trouve dans une impasse et il est d'accord pour ne plus s'acharner sur le gain de mobilité mais pour accompagner le patient dans un processus de prise en charge de ses douleurs. Une belle avancée donc pour ce patient qui "peine" à s'en sortir.
Merci pour vos échanges, je vais donc pouvoir poursuivre la rééducation sensitive sereinement.
Merci, Franck.
Anne Claire
Ravie de la nouvelle!
Bon courage, persévérance, patience et confiance à tous les deux, même quand il semble y avoir régression ou stagnation...
Estelle
Ceci me fait penser que le QDSA administré aux 4 semaines peut être un bon outil pour nos analyses en comparant l’évolution du total de douleurs affectives-émotionnelles par rapport au total des douleurs sensorielles. Cette comparaison peut entre autre permettre de juger du risque de troubles de santé mentale, de la présence d’un lien de confiance avec le thérapeute ou non, ou de l’impact de l’environnement (incluant le médecin) sur le niveau d’anxiété néfaste pour la gestion des douleurs. Un total des douleurs au-dessus de 60 points est toujours très révélateur du besoin de soutien en santé mentale. Persister dans une approche (ex: mobilisations du doigt) qui inquiète, stresse ou provoque davantage de douleurs chez le patient risque de faire régresser les pointages du QDSA et entraîner de plus en plus le patient vers un état dépressif. À l’opposé, quand il se sent écouté et compris, déjà les pointages peuvent s’améliorer, particulièrement pour les douleurs affectives-émotionnelles.
Autre argument à utiliser dans nos rapports quand nous sommes confrontés à l’avis contraire d’un médecin…
Merci pour ce suivi, Frank!
Tiens-nous au courant de la suite!
Guyane
Bonjour à toutes et tous,
voilà quelques nouvelles de mon patient ! Après avoir réussi à convaincre le médecin que l'urgence consistait à traiter les douleurs du patient, je refais donc des bilans à un mois du début du traitement pour objectiver l'amélioration et la régression de l'arc en ciel des douleurs. Le patient est sceptique et exprime toujours de douleurs insupportables.
Et pourtant... les bilans sont clairs, l'arc en ciel des douleurs orange est en net régression et le QDSA s'est amélioré sur toutes les composantes (sensorielles et émotionnelles, bornes inférieures et bornes supérieures). Voila donc depuis quelques mois de rééducation, la preuve d'une évolution positive et objective. Premier sourire du patient qui semble accueillir la nouvelle comme un espoir. Le médecin de rééducation fait alors confiance à la méthode et encourage le patient dans cette voie. Mais...
La même semaine, le patient revoit son chirurgien.
Je remets au patient l'ensemble des bilans pour que le chirurgien puisse constater aussi de l'amélioration (ce dernier ne prenant pas le temps de lire les courriers envoyés par notre structure avant les consultations patient).
Le patient revient le lendemain au CRF... pour nous informer que le chirurgien avait proposé de le réopérer pour enlever la prothèse, "tout nettoyer" et "mettre une option" sur une amputation du doigts !
Ce patient souffrant maintenant depuis plusieurs mois, s'en remet finalement à la décision "simpliste" d'enlever ce qui fait mal et accepte la chirurgie.
Toute l'équipe de rééducation reste dans l'incompréhension, une amputation ou une nouvelle chirurgie risquent au contraire d'entrainer de nouvelles complications avec des douleurs neuropathiques (membre fantôme) ou allodynie encore plus sévère...
Le patient (qui venait initialement pour une raideur de doigt associée à des douleurs résiduelles et une atteinte de la plaque palmaire) n'est pas encore revenu au CRF, son opération était programmée ce vendredi.
Bonne fin de semaine à toutes et tous
Bonjour Franck,
C'est très dur, cependant tu as fais ta part. Ta grande part.
J'ai vécu des situations similaires et j'en vivrai encore. Je suis, nous sommes dans un environnement ...
Garde ton enthousiasme.
Laure, une ancienne en rééducation sensitive
Bonjour Frank,
bonjour à toutes et tous,
Tu n'as rien à te reprocher, effectivement. Tu dois tellement être déçu...coupés dans votre élan vers du progressivement mieux. Un sourire qui s'ébauchait et là, bam, la décision radicale d'un chirurgien qui ne tient pas compte de la durée, de la pluridisciplinarité, et encore moins de l'interdisciplinarité.
Tu dois peut-être aussi en vouloir à ton patient. Depuis l'extrême de sa situation, il a choisi le radical et c'est compréhensible.
Ce membre harcelant de douleur, sans arrêt, tape sur le système et on a juste envie de débrancher ou couper. Et si un médecin le propose, en plus, ... ça n'aide vraiment pas.
Pensée à court terme, sans envisager les conséquences.
Il n'y a plus qu'à espérer que le post-opératoire soit gérable...et que ton patient ait de sacrées ressources.
Qu'ajouter de plus aux sages paroles de Laure.
Que ton enthousiasme demeure, pour tous ceux et toutes celles qui en ont besoin.
Bon dimanche.
Estelle
Cela rappel le nouveau paradigme édicté par Claude SPICHER concernant la RSD. Quelle place donné au patient et à la pluridisciplinarité. La pensée simpliste d'enlever le "mal" sans traiter la cause. Ce texte appuyer sur l histoire des sciences nous montre à quel point il nous reste du chemin à parcourir mais aussi qu'il est en perpétuel évolution. Alors ne baissons pas les bras et continuons comme tu l as fait Franck à écrire et par des arguments objectifs et objectivables de démontrer l'origine des souffrances de nos patients qui sont loin d'être simplistes mais non sans issues si tant est que nous sachions les écouter et que nous partions du postulat que leur parole est vraie.
Ne lachons rien, la persévérance finira par payer tout comme pour Galillée.
Maéva
Bonjour Franck,
La description de ton cas et le résultat m'ont autant frappé que lorsqu'une situation similaire s'est produite avec un de mes patients (mais pas une amputation). Il est toujours difficile de défendre et d'avoir le soutien d'autres professionnels, mais c'est aussi une récompense quand ils le font. Mais, à la fin de la journée, le patient a choisi ce qu'il pensait être la bonne décision pour ses symptômes et cela peut parfois nous prendre du temps pour l'accepter (du moins pour moi !). En fin de compte, nous voulons tous ce qu'il y a de mieux pour nos patients parce que nous nous en soucions; c'est aussi ce qui nous fait avancer.
J'espère que les prochaines étapes se passeront bien pour le patient, et je vous souhaite le meilleur pour vos autres cas.
Bonjour à toutes et à tous,
Voici des nouvelles de mon patient et de son doigt.
Il vient de se faire enlever la prothèse comme prévu par le chirurgien qui a découvert... une infection localisée sur la prothèse !!
Le patient est donc revenu au CRF avec une diminution significative des douleurs mais un doigt qui ne bouge plus plus du tout car malgré la présence d'une "chambre de mobilisation" dixit le chirurgien, aucune mobilité passif possible.
Ce jeune patient reconsultera donc son chirurgien pour "remettre" une prothèse. Je n'ai pas eu le temps de réévaluer ses douleurs malheureusement puisqu'il n'est plus au centre.
Merci à toutes et tous pour vos interventions, à très vite pour de nouvelles enquêtes à résoudre !
Franck